Le Problème des Fausses Nouvelles en Haïti : Comment les Mythes et la Désinformation Entravent le Progrès
Mark Twain a un jour déclaré : « Un mensonge peut faire le tour du monde pendant que la vérité est encore en train de mettre ses chaussures. » Hier, je suis tombé sur une vidéo sur WhatsApp intitulée « Sa fenk tonbe! Yo ta jwenn yon rezèv petwòl Wanament » qui se traduit par « Actualités de dernière heure! Une réserve de diesel a été découverte à Wanament. » La vidéo prétendait que du carburant diesel a été trouvé dans la rue de cette ville dans le nord-est d'Haïti où le mouvement « Kanal la p ap kanpe » a été lancé. En l'espace de quelques heures, la vidéo a accumulé plus de 85 000 vues, 2 500 mentions "j'aime" et 1 000 commentaires. Malgré sa nature improbable, beaucoup de gens ont cru à cette affirmation, craignant même qu'elle puisse provoquer une intervention étrangère, comme une invasion par la République Dominicaine pour s'emparer de cette prétendue ressource.
Il est surprenant de voir combien de personnes pensent que le diesel, qui est en fait fabriqué par le raffinage du pétrole brut dans des raffineries, pourrait tout simplement emaner naturellement du sol.
La Puissance de la Désinformation
En temps normal, j'aurais jugé un tel message ridicule, mais le fait que des milliers de personnes l'aient cru est préoccupant. Avant cette vidéo, il y en avait une qui montrait du pétrole brut emanant du sol dans une zone appelée "Sous Matela". Une simple recherche sur Google a révélé qu'il s'agissait en fait d'une rupture d'oléoduc dans le désert libyen.
Ces cas de désinformation ont un but unique : le profit. Plus une vidéo est visionnée, plus son auteur gagne de l'argent. Cet acte égoïste perpétue l'idée que les troubles d'Haïti sont dus à l'intérêt de la communauté internationale pour ses ressources. Une fois cette croyance ancrée, il devient pratiquement impossible de la dissiper. Plus important encore, les fausses nouvelles peuvent avoir un impact significatif sur l'opinion publique concernant des questions nationales cruciales, telles que la proposition de mission de maintien de la paix menée par le Kenya. Si le public est amené à croire qu'Haïti possède des réserves de pétrole et d'iridium, il pourrait facilement être induit en erreur et croire que le véritable objectif de l'intervention est de prendre le contrôle de ces ressources.
Le Mythe de l'Iridium
Une autre certitude persistante est l'existence de vastes gisements d'iridium en Haïti. Cette idée a pris de l'ampleur à la suite d'une interview de M. Henry Vixamar dans l'émission populaire "Le Point", qui affirmait qu'Haïti abritait des réserves d'iridium s'élevant à des milliers de milliards de dollars, ainsi que d'importantes quantités de pétrole, d'or et de cuivre.
M. Vixamar a déclaré qu'Haïti possédait la deuxième plus grande réserve d'iridium, après l'Afrique du Sud. Cependant, un rapport de 2022 des Offices des mines et de l'énergie d'Haïti - l'entité officielle responsable de l'évaluation et du rapport sur les ressources naturelles du pays - a conclu que « Attribuer une cible minière économiquement exploitable à l’iridium identifié dans les couches géologiques de Beloc et de ses environs relève purement de l’utopie… »
Les téléspectateurs peuvent s'interroger sur les qualifications de M. Vixamar ou sur les preuves qu'il apporte à l'appui de ses affirmations, car il n'en a fourni aucune au cours de l'interview. Malgré cela, ces affirmations sont devenues une base pour ceux qui prétendent que la communauté internationale, en particulier les États-Unis, veut exploiter les richesses minérales d'Haïti. En effet, certaines personnes très instruites de mon entourage croient qu'Haïti est assis sur des réserves valant des milliards et ne seront pas convaincues du contraire. À ce stade, aucun rapport ni aucun fait ne les fera changer d'avis.
Conséquences des affirmations non vérifiées
La combinaison des médias sociaux et des commèrages malveillants a conduit de nombreuses personnes à avoir du mal à discerner la réalité de la fiction. Il est facile pour les Haïtiens, en particulier ceux de la diaspora, de croire aux récits de complots internationaux contre Haïti, malgré l'absence de preuves.
Les fausses nouvelles ne sont pas propres à Haïti, mais compte tenu de notre marginalisation historique, les Haïtiens ont tendance à se sentir visés par le monde. Cet environnement est propice au développement et au profit de la désinformation. Malheureusement, ces fausses informations détournent l'attention des véritables défis auxquels Haïti est confronté et sapent les discussions constructives sur le développement du pays, car les débats sont éclipsés par des affirmations sans fondement.
«Trust but Verify» Faire Confiance mais Vérifier
La communauté haïtienne est submergée de sites d'information en ligne, de leaders d'opinion et d'influenceurs. Ils portent des noms créatifs tels que "Bat Bravo pou la Jenès" ou "Clap for the Youth", "Machann Zen" ou "Merchant of Gossips", et "Tripotay Lakay" ou "Rumors at Home". Et malgré leurs reportages de terrain, ils désinforment souvent le public pour obtenir plus d'audience et monétiser leurs chaînes Facebook et YouTube. L'une des conséquences directes est que ces influenceurs ont faussé la perception du public sur des questions importantes et empêché les dialogues constructifs qui sont nécessaires pour faire changer les choses dans le pays.
Bien qu'il soit difficile d'identifier les fausses nouvelles, il existe quelques mesures de bon sens que nous pouvons prendre. Tout d'abord, nous devons nous rappeler l'importance du scepticisme, comme le souligne la maxime du président Reagan « Trust but Verify » ou Faire confiance mais vérifier. Nos soupçons doivent être éveillés lorsque l'information s'aligne trop commodément sur des notions préconçues existantes. C'est ce que j'ai expliqué dans un précédent article intitulé « Contrôler notre biais de confirmation.»
Deuxièmement, nous devons nous fier à notre instinct : si quelque chose semble trop beau pour être vrai, c'est probablement le cas. Par exemple, les téléspectateurs devraient se demander pourquoi une découverte majeure comme le carburant diesel qui sort du sol n'est signalée que par une page Facebook appelée « Tande koze ». Pourtant, aucune autre source d'information n'en a fait état.
Enfin, nous pouvons utiliser des outils tels que Google Reverse Image pour vérifier l'authenticité des images et des vidéos.
Comme l'a noté Thomas Francklin dans ses sermons de 1787, la fausseté se propage rapidement, tandis que la vérité avance lentement mais sûrement. Il est de notre responsabilité de poursuivre la vérité, peu importe la lenteur de cette poursuite.